Aujourd’hui, je me suis levée avec le sourire. Ce n’est pas souvent. Malheureusement. C’est d’une tristesse de se faire ce genre de réflexion à mon âge. Mais ce n’est pas si rare que ça. La tronche de mes colocataires chaque matin me rappelle que je ne suis pas la seule dans ce cas. Rien que pour ça, je les aime bien. Même Maizie la flamboyante reine de glace. Sourire aux lèvres, je m’étais préparée comme d’habitude, fredonnant la dernière chanson moldue à la mode. Je n’y coupais jamais. Même un jour comme celui-ci. Mon maquillage, mon masque. Il me fallait bien ça le temps de traverser le couloir de Poudlard. Le temps de traverser les flux de bons sentiments des autres. L’avantage des serpents, c’est qu’ils sont bien plus mesurés sur ce plan. C’est plus supportable. Mais dans la Grande Salle, c’est vite agaçant, lancinant, frustrant et finalement blessant. Ce samedi matin, je n’avais eu aucunement envie de commencer ma journée de mauvaise humeur. J’étais passée en coup de vent dans la Grande Salle, saluer mes deux sœurs et piquer de quoi manger, toute seule dans mon coin et de quoi pique-niquer ce midi. Les bords du lac m’avaient semblés parfaits pour ce petit-déjeuner solitaire.  Il ne faisait pas encore froid, alors autant en profiter. Le rendez-vous que j’attendais avec impatiente n’était qu’en fin de matinée. Alors j’avais sorti une BD de mon sac. Un Doctor Strange. Puis une autre. Et j’avais lu ainsi, jusqu’à ce que ce soit l’heure.

Je saute brusquement sur mes pieds. C’est l’heure. Je suis obsédée par le temps, et surtout je ne supporte pas être en retard. Ni les gens en retard d’ailleurs. Je fourre mes BDs dans mon sac, et m’élance vers les écuries, un grand sourire s’étalant sur mon visage. Je vais enfin la revoir. Avec ces connes de vacances, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vues. Déjà que ce n’est pas souvent, puisqu’elle ne vit pas ici, à Poudlard. On s’écrit des fois, soit, mais c’est … un peu froid. Laetitia est l’une des rares personnes dont je ressens vraiment l’attention, l’amitié et la chaleur. Alors ses lettres me frustrent un peu. Je veux la voir elle. Ses yeux malicieux. Et entendre son sourire éclatant qui fait vibrer mon monde et lui redonne des couleurs. J’ai juste besoin de la voir. Je cours presque. Je ne sais pas si j’ai l’air d’une enfant qui va recevoir un cadeau, ou d’une droguée qui va recevoir sa dose, mais ça doit être un peu des deux. L’idée me fait doucement rire, même s’il y a très certainement du vrai là-dedans. J’essaye de ralentir le pas, du coup, je marche bizarrement. Comme si j’avais un balai dans le cul. Bon crotte, hein. Finalement, je m’élance à toutes jambes vers notre point de rendez-vous. La sensation du vent sur mes joues me réchauffe déjà un peu le cœur. Finalement j’arrive près des  écuries à bestioles magiques, essoufflée et échevelée. Je tâche de remettre ma tignasse en ordre et regarde autour de moi. Laetitia n’est pas encore là. Un coup d’œil à ma montre m’indique que je suis un peu en avance. En même temps, je n’avais pas prévu de courir dans le calcul du timing. Du coup, je pose mon sac contre un mur, m’y adosse et prend mon mal en patience. Sans m’en rendre compte, je commence à me tordre nerveusement les mains. Faut croire que je ne suis pas sereine que ça à l’idée d’aller voir, et de voir pour de vrai cette fois, les sombrals.